dimanche 2 avril 2017

2ème ITV de Nathalie Dau



La première se trouvant ICI




                                          © Romain Jacquot / Antoine Ottone


Bienvenue sur Bookenstock Nathalie !




"C'est ton tour, Nathalie ! Tu dois rédiger ta présentation !"
Et là, ça se complique.

Parce que je ne rentre jamais dans les cases.
Parce que je ne suis pas seul-e dans ma tête et que je ne sais pas qui présenter, exactement. Ni en quels termes.

Et puis il n'y a pas grand-chose d'intéressant à savoir, à mon sujet. L'essentiel est déjà sur wikipédia.
Après, ceux qui sont dans mes contacts FB savent que j'ai des chats, que je les aime fort et qu'ils me le rendent bien. Que j'ai des enfants, trois filles désormais grandes. Que je milite pour une vision plus humaine de la société, fondée sur l'amour et la solidarité et non sur les valeurs de l'argent et de l'exploitation mortifère des forces vives. Que j'habite en zone rurale, dans un petit village de l'Eure quelque peu hors du temps. Mais le temps est une notion très floue, pour moi, de toute façon. Est-ce qu'on doit calculer selon celui de la Terre, celui de Kephéda ou celui d'Eorzéa ?
Sur Terre, je suis officiellement une femme de cinquante ans reconnue adulte handicapé, souffrant au quotidien dans sa chair, et se trimbalant tellement de blessures et de traumatismes tant physiques que psychologiques qu'on peut se demander ce qu'elle fiche encore parmi vous.
Sur Kephéda, je suis tous mes personnages, et surtout Ceredawn, avec lequel j'ai pas mal de points communs (même s'il est mille fois mieux que moi). Cela fait bientôt trente ans que nous nous fréquentons (la rencontre date de juillet 1987).
Sur Eorzéa (univers du mmorpg Final Fantasy XIV), je suis là encore multiple, mais surtout confortable quand j'incarne Ceryan, auquel j'ai fabriqué un corps aussi proche que possible de mon image mentale. Il faut savoir que je suis non binaire, et que l'image que me renvoie mon miroir n'a rien à voir avec celle que j'ai dans la tête et le coeur. Je ne me sens ni femme ni homme, mais un mélange des deux avec une dose d'aucun des deux. C'est compliqué. Même moi je m'y perds, parfois.
Je vis en ces trois mondes, parfois en alternance, parfois en même temps. Avec un point de convergence : mon ordinateur.
Je n'ai pas de bureau. Je ne peux plus rester des heures assise plusieurs jours d'affilée, même avec une chaise ergonomique. Je vis donc assise dans mon lit, et j'ai un joli plateau pliant adapté pour supporter mon ordinateur portable (il y a même un ventilateur intégré, pour les mois d'été, et un petit tiroir dans lequel je range mes stylos, ma clef usb et quelques broutilles que je ne veux pas égarer tout en les conservant à portée de main).
Des livres, il y en a absolument partout dans la maison. Mais ceux que je conserve au plus près, dans la bibliothèque de ma chambre, ce sont mon bon vieux dictionnaire des rimes, mes mangas yaoi et mon énorme pile à lire. Et puis il y a une étagère spéciale pour Estelle Faye, que j'adore en tant qu'auteur et en tant que personne, et une autre étagère spéciale pour Isabelle Wenta, que j'adore au moins autant et qui en plus partage mes délires éorzéens.

Je n'ai pas d'horaires précis. Je ne dors plus beaucoup à cause de la maladie, et surtout pas la nuit, puisque c'est la nuit que je suis le plus en forme. La plupart du temps, je dors quand j'ai sommeil, je mange quand j'ai faim (plus beaucoup, là encore), j'écris quand mon cerveau est en état de le faire (ce qui a ralenti ma production, j'en ai bien conscience), je lis, je regarde des séries, je joue...

Et j'attends.

Enfermé-e dans mon corps, dans ma maison, dans mon village, dans mon département (le règlement de la Sécurité Sociale quand on est en arrêt maladie même de très longue durée : si je veux sortir de l'Eure, je dois demander la permission au minimum 15 jours à l'avance, avec un papier tamponné par mon médecin), j'attends tout ce qui me permet de me sentir un peu plus libre, un peu moins en souffrance. Des mots gentils, un peu d'amour, la certitude de compter pour celles et ceux qui comptent pour moi. La venue de l'inspiration, d'une journée de rémission (mais ça fait bien longtemps que je n'y ai plus eu droit). Le retour de mon mari quand vient le soir. Les réponses aux messages que j'envoie, aux livres que j'écris comme autant de bouteilles que l'on jette à la mer... et qui parfois se brisent sur des rochers cruels.

J'attends le jour où j'aurai le droit de me reposer enfin, après toutes ces années de bons et loyaux services.
Même si, parfois, il y a des rencontres qui électrisent et donnent envie de se battre pour durer plus longtemps.

On dit qu'en avril, il ne faut pas se découvrir d'un fil...

Mais moi, je n'ai jamais eu peur de me mettre à nu, alors vous pouvez poser toutes les questions que vous voulez, je ferai de mon mieux pour y répondre honnêtement.



Et pour ceusses qui ne connaissent pas Ceryan, le voici :













****************************************




Bonjour,

Très belle présentation qui m'a toute émue. Je commence juste Source des tempêtes pour découvrir votre univers.

J'ai été coiffée au poteau par Dup pour la question sur le nombre de tomes prévus dans cette saga donc je vais poser une question plus générale : depuis quand écrivez vous ? Est ce encore difficile d'être une femme auteur dans les littératures de l'imaginaire ?

Et je repasserai pour d'autres questions dès que je me serai plongée plus loin dans Source des tempêtes 😉

Nathalie :



Merci beaucoup, j'espère que l'émotion sera au rendez-vous avec le roman aussi, et qu'elle sera poignante à défaut d'être tissée exclusivement de rires.

J'écris depuis l'âge de sept ans. Dès le départ, j'ai considéré l'écriture comme une activité très sérieuse. Mais j'étais un-e enfant précoce, j'avais même sauté une classe à l'école, et j'avais appris très vite que la lecture et l'écriture étaient des choses importantes, qui comptaient beaucoup aux yeux de mes parents, donc impossible de les prendre à la légère ou de les négliger. De toute façon, ça me procurait tant de plaisir que je ne rechignais pas. Le calcul, ça m'était plus pénible. Mais j'ai quand même fait un bac scientifique parce qu'à l'époque, quand on était bon élève, on faisait du latin, de l'allemand et on allait en C, pas question de discuter.

A sept ans, donc, j'écrivais des contes et des articles fantaisistes illustrés par mes feutres et crayons, le tout présenté sous forme de fanzine (je ne connaissais pas ce terme, à l'époque) ayant pour modèle la revue "Si tout m'était conté".
J'ai ainsi créé deux numéros (perdus depuis), pour mon seul plaisir.
La même année, j'étais alors en CE2, l'institutrice avait mis en place une urne à rédactions, et incitait les élèves à glisser dedans des rédactions. Le sujet était libre et les copies devaient être livrées sans mention du nom de l'auteur. Chaque semaine, je glissais ma rédaction dans l'urne, chaque semaine, la maîtresse ouvrait l'urne, lisait les textes. Personne ne savait qui avait écrit quoi. La classe votait à main levée pour son texte favori... et je gagnais quasiment à chaque fois. ce qui n'a pas aidé à me rendre populaire, et surtout ce qui m'a valu, de la part de l'institutrice, une interdiction de continuer à participer, parce que je décourageais les autres. J'ai donc rongé mon frein et gardé mes écrits pour moi.
L'an d'après, j'ai commencé à écrire des poèmes, et je n'ai jamais arrêté, même s'il y a eu des périodes sans.

Pendant mes vacances, j'écrivais des sketches, des piécettes de théâtre, et les enfants du chalet de montagne où je passais mes étés étaient ensuite tyrannisés par mes soins puisque je les transformais en acteurs, et ensuite on se produisait devant les parents, juste avant le retour en ville pour la rentrée des classes.
Pendant les années collège, j'ai participé à quelques concours d'écriture, en interne. J'ai ainsi pu mesurer toute l'importance de la popularité. En anonyme, je recevais des votes. Si mon nom était associé au texte ou au poème, personne ne votait pour lui. Ce fut vexant mais formateur.
Vers douze-treize ans, j'ai commencé à écrire un roman historique que je situais aux alentours de l'an 1000. J'ai fait des tas de recherches en bibliothèque, mais quand j'écrivais, j'étais si imprégné-e de textes médiévaux (qui, tous, font la part belle au merveilleux) que mon histoire s'en trouvait contaminée, et je me grondais d'être si peu adulte. Puis, à dix-huit ans, j'ai découvert Tolkien et le Seigneur des Anneaux, ce qui m'a libéré-e. La Fantasy était donc le genre littéraire que je portais en moi depuis si longtemps. Je n'en ai plus dévié (même si je l'ai parfois mâtiné de Fantastique voire de SF).




Pour l'autre partie de la question : oui, je trouve que c'est plus difficile quand on est dans un corps de femme. Parce que la société demeure sexiste, que certains hommes (surtout ceux qui détiennent du pouvoir) rechignent encore à considérer comme leurs égales ces "maudites femelles", que les gens sont encore prisonniers des clichés, notamment celui qui les incite à penser qu'un roman écrit par une femme est forcément une romance. On demande aux femmes de prouver des tas de choses qu'on ne demande pas aux hommes. Devant le travail d'une femme, on attend souvent de voir si elle ne s'effondrera pas sur la durée, si son bon premier roman n'est pas l'exception qui confirme la règle, si le public suivra... On lui demandera parfois d'apparaître belle, jeune et sexy, parce que "ça aide à mieux vendre sur le stand". Elle sera souvent en butte à des propositions déplacées (je me souviens encore de ce type qui voulait que j'abandonne mon stand pour le suivre dans un hôtel voisin, à Vendôme... et du mal que j'avais eu à m'en débarrasser ! Bon, j'avoue, ça s'est bien calmé depuis que j'ai pris de l'âge et que ma maladie est devenue moins invisible).

Je tiens cependant à préciser que chez les Moutons électriques, je me sens particulièrement bien notamment parce que je n'y ai pas été en butte à des comportements sexistes. Nous sommes tous considérés comme des auteurs à part entière par l'équipe éditoriale, qui fournit la même qualité de travail pour chacun. Et l'ambiance entre nous est vraiment très agréable, très sympathique, sans rivalités ni tensions. En tout cas, c'est comme ça que je le ressens et perçois.




Bonjour 
Pas encore rencontrée ni l'auteure ni ses autres moi mais la présentation donne envie de se faire curieuse. je vais donc suivre cet ITW avec attention et peut-être agrémenter ma WL (oui encore je sais les vénérables, à force elle va être comme ma PAL ... pharaonique) de quelques titres supplémentaires :p

Nathalie :


Je compatis. J'ai moi-même une PàL monstrueuse. Il y a décidément beaucoup trop de bons auteurs dont les titres m'attirent. Et comme je n'oublie pas d'où je viens et par où je suis passé-e, je mets un point d'honneur à soutenir autant que possible la micro et la petite édition indépendante, dans mes genres favoris. Mon amour des livres et des gens me perdra ! ;-)


Xapur :

Oh ça commence vite par ici ! Content d'avoir vu Nathalie à Meyzieu récemment, je viens de relire Source des Tempêtes avant de poursuivre avec Bois d'Ombre. Je reviens bientôt ;)

Nathalie :


C'était une chouette rencontre, en effet, Xapur. J'espère qu'elle sera suivie par d'autres :-)







Dup :


Tu dis : «Et j'adorerais aussi inviter d'autres auteurs à écrire dans cet univers, car il est trop vaste pour que je suffise à l'explorer, et j'ai envie que d'autres s'y sentent à leur tour "chez eux" (on formerait ainsi une sorte de communauté d'exilés ;-) ) et m'y fassent voyager.»

Rholala comme j'adorerai aussi ! Pourquoi pas diriger une anthologie là-dessus ? Même si je reconnais préférer de bons gros romans à des nouvelles ! Car je sais que je vais adorer Fragments de l'âge ancien. 

Nathalie :


Aha, justement ! Quand je dis "inviter d'autres auteurs", j'entends bien commencer par une anthologie. J'en ai déjà parlé à deux ou trois plumes que j'apprécie énormément et qui ne seraient pas contre, voire qui en seraient ravies. Restera à convaincre l'éditeur, et surtout il faudra que j'aie livré d'abord davantage de matière pour nourrir leur imaginaire.



Et merci pour le vote de confiance à propos de "Fragments de l'Âge Ancien". Même si j'ai toujours peur de décevoir (angoisse chronique, quand tu nous tiens...) et ne me sens tranquillisé-e que lorsque la rencontre entre le livre et le lecteur a effectivement eu lieu.

Bonjour Nathalie. Je dois dire que comme beaucoup d autres, j ai été très émue de votre présentation, je ne connaissais pas vos tourments, sans doute ont ils finalement donnés naissance à une poésie et une émotion très puissante dans vos livres. Je suis dans "bois d ombre", et je savoure cette suite qui comme le tome 1 a beaucoup de densité et votre ton et don de conteuse est assez magique... je voulais savoir si vous vous laissez mener par vos personnages et leurs actions ou au contraire, savez vous précisément ou vous allez nous emmener ? l histoire est elle écrite dans votre tête dès les premières pages ?



Nathalie :



Merci Licorne.Pour ma présentation, mon but n'était pas de faire pleurer dans les chaumières. Maladie et handicap font simplement partie de mon quotidien depuis longtemps. Je me bats pour la reconnaissance des handicaps invisibles depuis pas mal d'années et donc, je ne peux pas passer sous silence cet aspect de ma vie. :-)
Mais vous avez raison, tout ceci a nourri mon écriture et inspiré de nombreux textes. Phonétiquement, magique et myalgique se ressemblent, non ? Dès mes recueils parus autrefois chez Griffe d'Encre, j'ai cherché à lier les deux, car si la souffrance fait partie de la vie, elle ne doit pas pour autant occulter la magie, et permet même, parfois, de déceler cette magie là où on ne l'imaginait pas. Non pas qu'il faille rechercher la souffrance, mais plutôt tenter de la dépasser, de la sublimer, pour l'empêcher de totalement nous abattre.C'est du moins comme ça que j'essaie de la vivre, même si j'ai mes moments de découragement, comme tout le monde.En tout cas, je suis moi-même émue par ce que vous me dites de ma plume et de mes livres. Vos mots me donnent le sentiment d'avoir réussi à transmettre un peu de ce que je porte en moi, et c'est important à mes yeux.Pour la question proprement dite : je ne commande pas. Je ne fais pas non plus de plans, ça me bloque. Je suis ce qu'on appelle un auteur scriptural. Je sais à peu près vers quoi je tends, je devine quelques passages obligés sur le chemin, mais tout s'éclaire progressivement au fur et à mesure de la rédaction. Je ne dirige pas mes personnages, en revanche je les interroge, pour comprendre leurs motivations et identifier avec eux la chaîne des causalités. Je leur demande de m'expliquer ce qu'ils sont, d'où ils viennent, pour quelles raisons ils ont agi comme j'ai découvert qu'ils l'avaient fait. Ce n'est pas toujours évident de les cerner car je vois souvent, pendant cette phase-là, plusieurs versions d'eux-mêmes, plusieurs causes possibles, plusieurs chemins qui leur sont offerts. Mon travail est d'identifier le bon. Celui qui correspond à l'histoire que je raconte. Je reçois une telle masse d'informations, je vois tant de possibles, que faire le tri dans tout ça est souvent long et angoissant. Ensuite, tout bouillonne et fermente dans le chaudron de mon esprit. Et quand j'ai enfin terminé de visualiser, d'entendre, d'éprouver, quand j'ai trouvé la bonne tonalité, la bonne palette de vocabulaire, le bon rythme, alors j'entre en phase de rédaction, et là, ça se déroule de façon très fluide, je n'y reviens quasiment pas.Bon, après trente ans de réflexion, je visualise à peu près clairement l'histoire des personnages principaux, mais d'autres apparaissent parfois brusquement en cours de narration et il me faut alors les emmener à leur tour dans ma salle d'interrogatoire... J'aurais dû être enquêteur, en fait !



Hey bien, on ne va pas s'ennuyer ce mois-ci ! Tellement à lire et j'apprends plein de choses ! 
Je ne savais pas pour l'histoire du bleu (et ça renforce le fait que j'apprécie cette couleur ! et je remercie une fois de plus ma maman de m'avoir évité les trucs "rosissimes" (ça me fait mal aux yeux de voir des petites filles dans cette couleur ^^' ) et de m'avoir laisser apprécié le bleu !)

J'espère tout comme Dup pouvoir lire d'autres auteurs écrire sur ton univers ! (et raaaah l'artbook me fait vraiment rêver car j'aimerai déjà voir à quoi ressemble tous les dieux, j'ai mon idée avec les annexes mais dessiner ça serait encore mieux :P )

Donc si j'ai bien compris ta première réponse à Dup, on aura bien 6 tomes et on va rencontrer plein d'autres personnages alors ! Je suis curieuse d'une certaine "bala" (d'ailleurs je n'arrive pas à comprendre ce que c'est... une sorte de prêtresse ? ) dont on croise le nom dans les "extraits" cités, j'espère qu'on en saura plus sur elle* mais aussi qu'on reverra d'autres personnages comme Ölinelle ou encore ceux de Cassegrume :)
*(je ne veux pas citer son nom, j'ai peur de spoiler qui elle est pour les gens qui n'ont pas lu Bois D'Ombre) 

Sinon tu as eu de la chance pour les couvertures de tes livres, elles sont toutes superbes (je parle en général, pas que pour le Livre de L'Énigme). Est-ce que tu as eu ton mot à dire ou au moins quelques suggestions pour inspirer les illustrateurs ?



Nathalie :




Merci Snow, je suis content-e si tu passes des moments agréables à me lire :-)
Déjà, en attendant les projets lointains que seraient l'artbook et l'antho dont je rêve, je serais plus que ravi-e de voir des plumes, des claviers et des pinceaux créer pour le plaisir des fanfictions et des fanarts. Etre capable d'inspirer autrui, c'est ça la vraie consécration, pour moi. Et j'éprouve une grande curiosité quant à la façon dont on peut visualiser mes mots. Ai-je su transmettre correctement ce que je vois, si bien que d'autres arrivent à reproduire ce que moi-même je suis incapable de dessiner ? Ai-je su les faire aimer, ces personnages qui sont mon autre famille ?
Et puis ce monde est si réel pour moi que je me dis parfois qu'il doit bien exister aussi pour d'autres. D'autres qui, en me lisant, auraient le sentiment de se retrouver un peu chez eux. Et du coup, si on arrive effectivement à se retrouver, on pourrait se sentir... moins seuls.
Pour en revenir à tes questions : oui, bien sûr qu'on va croiser régulièrement de nouveaux personnages. Mais on va aussi en voir partir, ainsi que certains sont déjà partis. C'est la vie. Personne n'est éternel. Pas même Ceredawn.
La Bala que tu n'oses nommer, c'est Lydidane ? Si oui, elle existe longtemps après le cycle du Livre de l'Enigme. Dès le début de Source des Tempêtes, avant même le premier chapitre (mais après le prologue), elle se présente et précise qu'elle fait oeuvre d'historienne, pour expliquer à ses contemporains, et à ceux à venir, ce qu'ils sont et d'où ils viennent. Donc elle compile la documentation qu'elle est parvenue à rassembler : les mémoires de Cerdric Asulen (le Livre Blanc des Tirbald), les cristaux mnémoniques qui lui ont été légués par Na'ïg (dont le nom est mentionné pour la première fois dans Bois d'Ombre, même si elle est née à la fin de Source des Tempêtes, et je peux déjà annoncer qu'elle aura un rôle croissant dans cette histoire), divers témoignages ou extraits de chroniquesrédigés à l'époque qui l'intéresse, et parfois des écrits de sa propre main, pour clarifier ou synthétiser des éléments du contexte. Elle essaie de ne pas prendre parti et ne nuance pas la vision parfois partisane ou biaisée que les gens d'autrefois avaient d'eux-mêmes ou de leurs proches. Elle préfère donner les différents points de vue, et laisser le lecteur décider, car selon elle, la vérité n'est nulle part et partout à la fois. C'est une question de point de vue, exactement comme le Bien et le Mal. Les faits sont ce qu'ils sont, les causes peuvent s'analyser, mais dès que l'affectif entre en ligne de compte, alors la subjectivité l'accompagne. Ainsi (attention spoiler)
Cerdric refuse de croire que sa mère Nérasia puisse avoir renoncé à vouloir le faire périr, et continue d'avoir d'elle une vision très négative, alors que dès le prologue de Bois d'Ombre, le lecteur, qu'il soit terrien ou kephédan, sait que Nérasia est sincère, et ce qui a provoqué son revirement. (sélectionnez le texte pour le faire apparaître)
Je ne peux pas encore expliquer clairement, du moins pas sans spoiler le cycle, ce que sont les Balas, car elles n'existent pas en tant que telles au moment du Livre de l'Enigme. Le statut désigné par le mot Bala (qui signifie "femme-triple" en Prilecte) apparaîtra dans le futur, et relève des conséquences lointaines de la résolution de l'Enigme. J'ai bien évidemment des tas d'informations sur elles, et l'un des one shot que j'ai en projet raconte comment elles feront face aux nouvelles menaces qui pèseront alors sur les mages bleus post-Ceredawn. Le prologue est d'ailleurs déjà écrit, depuis de très nombreuses années. En voici quelques lignes, juste pour le plaisir du partage :



Je suis Lydidane, seconde Bala de l’Ordre Bleu.
Pour l’enfant que je porte et tous ceux à venir, sur la trame d’éther imprégnée de magie j’écris des mots qui seront lampe. Je m’y suis engagée l’été de mes huit ans, en acceptant la charge ou plutôt le destin qui m’avait désignée. Peu avant ma naissance, des rêves clairvoyants, en nuées de corbeaux à l’assaut du maïs, s’étaient abattus sur les nuits de la lignée Kir’zlane. Puis l’on vit nettement le signe : les trois couleurs dans mes cheveux. Car je suis le soleil incarné dans le blé, les ténèbres profondes au cœur du sarrasin, et les folies vivaces de l’avoine rousse.


Enfin, à propos des couvertures : par le passé, oui, j'ai pu échanger avec les différents illustrateurs, qui souvent me demandaient quelles étaient mes attentes, ma vision, et ensuite interprétaient à leur guise, toujours avec talent. J'ai noué au fil des ans une relation unique avec Mathieu Coudray, que je considère comme mon petit frère et dont j'admire sincèrement le travail. J'ai aussi noué une amitié durable avec Krystal Camprubi, qui est une vraie magicienne. Avec Melchior Ascaride, c'est en train de se construire aussi, au fil des fous rires en festival et des échanges. Mais au niveau professionnel, ça se passe différemment, avec Melchior, et c'est limite plus exaltant car il prend le temps de lire intégralement les livres qu'il illustre. Ensuite, il me pose des questions pour confirmer ou infirmer les pistes qui lui sont venues. Il est flagrant qu'il cherche à comprendre, à identifier la substantifique moelle. Et quand je reçois ensuite le résultat, c'est une grande claque et un grand bonheur à chaque fois, car il ne cherche pas à représenter une scène de l'histoire, mais à transmettre l'âme du livre, telle qu'il la perçoit. Le résultat me parle car il est au-delà du beau, il est chargé de symboles (or je suis très sensible aux symboles) et a une véritable puissance évocatrice, porteuse d'émotions. Je trouve qu'il y a quelque chose d'à la fois très moderne et très médiéval, dans sa façon d'habiller mes livres. Quelque chose qui me fait penser aux bâtisseurs de cathédrales qui faisaient passer tant de choses au travers des sculptures de la façade, des motifs des vitraux. Ses couvertures ont cette puissance, elles parlent du contenu en superposant les degrés d'interprétation. Et pour Bois d'Ombre, il s'est même amusé à cacher plein de petits détails qu'on ne voit pas de prime abord. Il faut réellement se pencher dessus, quitte à faire un peu de paréidolie, pour décrypter tout ça. Et moi, les énigmes, les puzzles, le décryptage... j'adore ça !



Bonjour Nat !

Chose promise, chose due, je viens avec mes petites questions!
Tout d'abord je trouve l'idée d'une anthologie absolument merveilleuse et tellement généreuse de ta part, tous les auteurs n'accepteraient pas qu'on "s'empare" de leur univers, je trouve ça fantastique :)

Ma question concerne l'écriture. Tu nous a dis que Ceredawn vivait en/avec toi depuis bientôt trente ans, je me demandais quand tu avais su que tu devais écrire le livre de l'énigme? Est ce que c'est une vie que tu as porté en toi pendant des années et qu'un jour tu as senti que c'était LE moment de l'écrire? Ou as tu tenté de l'explorer immédiatement par l'écriture jusqu'à ce que tu trouves le bon ton? Je ne sais pas si c'est très clair ce que je raconte ^^

Je commence bois d'ombre bientôt et je t'embrasse fort!


Floriane 





Nathalie :




Coucou Floriane, bisous à toi aussi :-)
Si tu savais à quel point ça me plaît et plairait qu'on "s'empare" de mon univers (tant que c'est fait avec respect des intentions initiales) ! Je rêve aussi de développer le jeu de rôle sur table, voire le mmorpg (oui, je rêve en grand), j'aimerais qu'on reproduise concrètement le jeu de Plates dont use Myrinielle dans Bois d'Ombre, pour s'amuser avec. J'aimerais parvenir à me créer une BJD de Ceredawn, avoir un costume de mage bleu que je pourrais porter en festival, j'aimerais que mes personnages inspirent des cosplayers... et j'aimerais aussi finaliser les chansons qui sont également liées à ces livres, et pour lesquelles j'ai écrit les paroles et la ligne de chant.
Geek, gamer et fier-e de l'être, je suis ! ;-)
Mais nul-le en couture, en dessin, en programmation informatique, en arrangements musicaux...
Quand on a conscience de ses limites, on a très logiquement envie de travailler en équipe afin de s'en libérer, du coup, pour pouvoir vivre tous ses rêves. Donc ce n'est pas de la générosité, mais bien de l'égoïsme, quelque part ! ;-)


Pour la question sur l'écriture : j'y ai déjà plus ou moins répondu, puisqu'il y a eu le rêve et que tout de suite, dès le lendemain, j'ai commencé à écrire autour de cette histoire et dans ce monde-là. Si je portais tout ça en moi auparavant, alors je n'en avais point conscience. A cette époque-là, j'avais laissé tomber mon idée de roman historique et j'écrivais surtout de la poésie. Cela faisait trop peu de temps que j'avais découvert les littératures de l'Imaginaire et j'étais encore occupé-e à explorer les auteurs disponibles à l'époque : Tolkien, bien sûr, qui m'a révélé-e à moi-même, mais aussi Michael Moorcock, Tanith Lee, Marion Zimmer Bradley, Ann McCaffrey, Ursula le Guin, Robert Howard, Fritz Leiber, Roger Zelazny, Franck Herbert, Robert Silverberg, Poul Anderson, H.P. Lovecraft, Graham Masterton, Richard Matheson et j'en oublie...
Quelques romans bien précis ont commencé à m'inspirer l'envie d'écrire, à mon tour, dans ces genres-là que je dévorais de façon boulimique : Le Seigneur des Anneaux, Elric le nécromancien, Le Dit de la Terre Plate, Dune, et Ténébreuse (surtout La Tour Interdite et Reine des Orages). Mais je n'osais pas vraiment, cela aurait davantage été motivé par l'envie de prolonger mon immersion dans ces univers, et le temps à passer en compagnie de ces personnages qui me touchaient. Puis j'ai lu les premiers tomes des Lancedragon, de Weis et Hickman... et j'ai vraiment, vraiment craqué sur Raistlin Majere, au point qu'un des tomes a volé à l'autre bout de ma chambre d'étudiant-e tant j'étais révolté-e par la façon dont les auteurs le faisaient évoluer. Et là, je me suis dit : "Prends le pouvoir, écris ta propre histoire, là tu seras seul maître à bord et tu cesseras de subir passivement."

C'est alors que j'étais dans de telles dispositions qu'est venu le rêve. La suite, je l'ai déjà évoquée.


Pitiponks :

Bonjour Nathalie!
Tout d'abord merci de participer à cette interview, vos réponses sont passionnantes à lire! J'ai découvert récemment Source des Tempêtes et j'ai été conquise par votre univers! Mon chéri vient tout juste de m'offrir le tome 2, je suis aux anges!! Je n'ai pas de question qui me vienne à l'esprit mais je voulais vous remercier pour ces belles histoires et ce partage qui vous motive. J'espère pouvoir vous rencontrer un jour prochain dans un salon, peut-être à Nice à la fin du mois...? Je réfléchirai et si une question me vient, je me permettrai de revenir laisser un petit mot. :) À bientôt! 

Nathalie :
Merci beaucoup, Pitiponks.
Ravie de faire la connaissance d'une nouvelle lectrice habitant dans ma région natale ! :-)
Je serai en dédicace à Antibes, à la librairie Masséna, le samedi 22 avril à partir de 16 h.
Et la semaine suivante je participerai en effet à Nice Fictions. Ce serait donc avec grand plaisir que je vous rencontrerais à l'une ou l'autre de ces occasions azuréennes.
Après, je rentrerai chez moi, dans la campagne normande. Où je cuisine quand même à l'huile d'olive... mais sans ail (pour cause d'allergie).
A très bientôt, donc ! :-)

6 commentaires:

Dup a dit…

«Et j'adorerais aussi inviter d'autres auteurs à écrire dans cet univers, car il est trop vaste pour que je suffise à l'explorer, et j'ai envie que d'autres s'y sentent à leur tour "chez eux" (on formerait ainsi une sorte de communauté d'exilés ;-) ) et m'y fassent voyager.»

Rholala comme j'adorerai aussi ! Pourquoi pas diriger une anthologie là-dessus ? Même si je reconnais préférer de bons gros romans à des nouvelles ! Car je sais que je vais adorer Fragments de l'âge ancien.

Les lectures de Licorne a dit…

Bonjour Nathalie. Je dois dire que comme beaucoup d autres, j ai ete tres emue de votre présentation, je ne connaissais pas vos tourments, sans doute ont ils finalement donnés naissance a une poesie et une emotion tres puissante dans vos livres. Je suis dans "bois d ombre", et je savoure cette suite qui comme le tome 1 a beaucoup de densité et votre ton et don de conteuse est assez magique... je voulais savoir si vous vous laissez mener par vos personnages et leurs actions ou au contraire, savez vous précisément ou vous allez nous emmener ? l histoire est elle ecrite dans votre tête des les premières pages ?

Snow a dit…

Hey bien, on ne va pas s'ennuyer ce mois-ci ! Tellement à lire et j'apprends plein de choses !
Je ne savais pas pour l'histoire du bleu (et ça renforce le fait que j'apprécie cette couleur ! et je remercie une fois de plus ma maman de m'avoir évité les trucs "rosissimes" (ça me fait mal aux yeux de voir des petites filles dans cette couleur ^^' ) et de m'avoir laisser apprécié le bleu !)

J'espère tout comme Dup pouvoir lire d'autres auteurs écrire sur ton univers ! (et raaaah l'artbook me fait vraiment rêver car j'aimerai déjà voir à quoi ressemble tous les dieux, j'ai mon idée avec les annexes mais dessiner ça serait encore mieux :P )

Donc si j'ai bien compris ta première réponse à Dup, on aura bien 6 tomes et on va rencontrer plein d'autres personnages alors ! Je suis curieuse d'une certaine "bala" (d'ailleurs je n'arrive pas à comprendre ce que c'est... une sorte de prêtresse ? ) dont on croise le nom dans les "extraits" cités, j'espère qu'on en saura plus sur elle* mais aussi qu'on reverra d'autres personnages comme Ölinelle ou encore ceux de Cassegrume :)
*(je ne veux pas citer son nom, j'ai peur de spoiler qui elle est pour les gens qui n'ont pas lu Bois D'Ombre)

Sinon tu as eu de la chance pour les couvertures de tes livres, elles sont toutes superbes (je parle en général, pas que pour le Livre de L'Énigme). Est-ce que tu as eu ton mot à dire ou au moins quelques suggestions pour inspirer les illustrateurs ?

Unknown a dit…

Bonjour Nat !

Chose promise, chose due, je viens avec mes petites questions!
Tout d'abord je trouve l'idée d'une anthologie absolument merveilleuse et tellement généreuse de ta part, tous les auteurs n'accepteraient pas qu'on "s'empare" de leur univers, je trouve ça fantastique :)

Ma question concerne l'écriture. Tu nous a dis que Ceredawn vivait en/avec toi depuis bientôt trente ans, je me demandais quand tu avais su que tu devais écrire le livre de l'énigme? Est ce que c'est une vie que tu as porté en toi pendant des années et qu'un jour tu as senti que c'était LE moment de l'écrire? Ou as tu tenté de l'explorer immédiatement par l'écriture jusqu'à ce que tu trouves le bon ton? Je ne sais pas si c'est très clair ce que je raconte ^^

Je commence bois d'ombre bientôt et je t'embrasse fort!
Floriane

Pitiponks a dit…

Bonjour Nathalie!
Tout d'abord merci de participer à cette interview, vos réponses sont passionnantes à lire! J'ai découvert récemment Source des Tempêtes et j'ai été conquise par votre univers! Mon chéri vient tout juste de m'offrir le tome 2, je suis aux anges!! Je n'ai pas de question qui me vienne à l'esprit mais je voulais vous remercier pour ces belles histoires et ce partage qui vous motive. J'espère pouvoir vous rencontrer un jour prochain dans un salon, peut-être à Nice à la fin du mois...? Je réfléchirai et si une question me vient, je me permettrai de revenir laisser un petit mot. :) À bientôt!

Olivier Bihl a dit…

Bonsoir Nathalie, merci de ces longues, précises et patientes réponses. En les lisant j'ai l'impression de mieux comprendre encore ce qu'écrire une / des histoires implique. J'ai commencé le premier tome et je ne peux pas le cacher, j'ai été plutôt d'abord désorienté mais heureusement cela se décante au fur et à mesure et les personnages prennent place.....et j'attends les moments les plus calmes de mes journées pour m'y plonger totalement, tant je ressens le besoin de m'immerger totalement dan le récit. J'hésite à entamer de front le second tome aussi, pensez vous que l'on puisse mener cette double lecture sans en suivre l'ordre chronologique ? Merci et à très vite.